Ulysses Saloff-Coste

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Seigneurs et paysans

vendredi 11 mars 2005, par Ulysses Saloff-Coste


Un thème d’histoire rurale. L’essentiel de la population est rurale. Une fois que l’on a écarté les quelques clercs et seigneurs, l’essentiel de la population travaille la terre. « Laborare », travailler. Le laboure est le travail par excellence.

I.L’encadrement seigneurial

Rappel de notions à propose de la seigneurie. Il y a plusieurs natures de seigneurie. Principalement deux. D’abord, la seigneurie est un grand domaine qui est hérité de la « villa » du moyen-âge, différente de la « villa » antique. Une partie est exploitée directement chez le maître : la réserve. Et, la deuxième partie est les tenures, que les paysans détiennent moyennant des redevances. C’est la seigneurie foncière. La seigneurie banale.

1.La seigneurie foncière

Dans le haut moyen-âge, à l’époque carolingienne, on rencontre de très grandes propriétés où travaillent des esclaves sous l(ordre direct d’un maître. Mais, au XIe et XIIe, la situation est bien différente. Les paysans exploitent les tenures. Au Xe et XIe, il y a un phénomène de lotissement des domaines. Les troupes serviles du seigneur. Viager en droit : exploitation à vie. On a commencé à lotir avec des lieux éloignés ou des terres récemment acquises. Les propriétaires ne s’appauvrissent pas. C’est plutôt un souci de rentabilité. Les propriétaires ont gardé pour eux les meilleures terres, les vignes. Il vaut mieux avoir des vignobles. Ils gardent les prés pour nourrir les chevaux. Ils ont gardé les terres les moins coûteuses d’entretien. C’est un entraînement à la guerre. Il concède le reste. Les rendements sont meilleurs si on fait travailler des paysans intéressés par le résultat. Ce n’est pas du libéralisme avant l’heure, mais du bon sens. Ce n’est pas un allégement de l’emprise du maître sur le sol. Il y a des exigences qui pèsent sur ses tenures. Cette tenure apparaît perpétuelle et héréditaire au XIe s. Le paysan ne peut pas être délogé. La tenure est aliénable. Le paysans peut vendre la tenure. Les droits de lods et vente. Le paysan peut sous-louer sa tenure. La redevance due pour la terre pour laquelle on travaille.
Le tenancier va s’acquitter de services, de travails sur la terre du maître. Les paysans doivent remplir les corvées. Il va devoir des redevances en nature : don de ses récoltes. Les deux-blés, le froment et l’avoine. Cette redevance peut être en numéraire. On appelle cens, le loyer de la terre. On appelle censive, une terre comportant une redevance fixe. Au XIIIe s., le cens devient dérisoire, parce qu’il a été fixé à une époque où les productions étaient peu importantes. Le quartier est une petite exploitation. On doit à Noël trois chapons, pains. On doit trois deniers et demi pour le bois. En mars, ils doivent 15 pieds de haie. A Pâques, une poule et cinq oeufs. En juillet, une journée de fauche, de fenaison. En août, deux journées de fauche. Le 10 novembre, deux deniers et cinq poulets. Labourer. L’ansange est un lot de corvée. Le champart, la part du champ (de 1/7 à 1/15). On peut imposer une redevance en champart plus lucrative pour le maître. Il va essayer de remplacer la censive par le champart. C’est une question d’autorité. Les paysans n’aiment pas. Le seigneur va se servir sur le champ. Les prélèvements de la seigneurie sont légers. Georges Duby : « les hommes n’avaient pas le sentiment de péner ».
Reste la réserve dont il faut assurer la production. Il y avait des esclaves, privés de toute liberté. Ils ne possédaient rien. Ils vivaient parfois en groupe. Parfois, ils habitaient dans une cabane, avec une compagne (ils ne pouvaient pas se marier). Leur propre tenure est soumise à des redevances. Ils pouvaient se constituer une réserve. Les prisonniers de guerre, de basse extraction. C’était des personnes prises pas des marchands d’esclave. On prenait des slaves. Cette servitude était héréditaire. L’esclavage a progressivement disparu. Dès le début du christianisme, on a pas le droit de réduire un chrétien à l’esclavage. Le vivier des esclaves se réduisait. Déclin du commerce. L’orient était un marché beaucoup plus attractif. Il n’y a pas eu de renouvellement. Affranchissement, oeuvre pieuse. A l’article de la mort, le maître multiplie des actes de piété. Par rachat, l’esclave peut racheter sa liberté. L’esclavage a pratiquement disparu chez nous avant l’an mil, pour l’esclavage de type antique.
On rencontre des serfs. Latin « servus », l’esclave. Il ne faut pas confondre esclavage et servitude. Une partie de ces gens là sont des anciens esclaves. Il pouvait s’agir d’hommes libres qui avaient accepté une ancienne tenure servile. Quand l’individu libre s’installe sur une terre, on va poser une charge plus lourde. L’origine même de la terre est servile. Plus lourdes charges que les hommes libres. La servitude est très inégalement répartie. C ’est un phénomène minoritaire. Qu’est ce qui caractérise un serf par rapport à un homme libre ? Des restrictions d’ordre moral. La fustigation publique. Le délinquant est battu publiquement. Ce qui est le plus net, c’est l’attachement à la terre. Impossibilité de quitter le domaine. Restrictions concernant le mariage. « Il n’est de richesse que d’hommes ». Le seigneur interdit à ses hommes de s’en aller. Problèmes d’endogamies. Le formariage (for= hors de). Des restrictions pour se donner à Dieu. _ Obligation de payer au maître la chevage. Chef, la tête. On se penche devant le maître, avec les pièces sur la nuque. Le fait d’appartenir à un maître implique que le maître peut percevoir une part de l’héritgae. La « main morte ». Il y a des réquisitions de travail. Le servage est établi au XIIe s. Il recule, voir disparaît au XIIIe s. Il y a des disponibilités de se « recycler ». Le maître a un droit de poursuite sur son serf. Il n’y a pas les moyens de recherche. Un an et un jour. L’aire de la ville rend libre. Beaucoup vont profiter des grands défrichements. On distribue des terres à ceux qui voudront bien les mettre en valeur. D’autres ont pu acheter leur liberté. Les maîtres ont profité de cela. Cette disparition progressive n’est pas préjudiciable aux rendements des grands domaines. Le travail réquisitionner n’est pas fait de bon coeur.
Il ne faut pas oublier à côté de ces tenanciers, qu’il y a toujours des paysans libres de toute redevance : l’ « alleutier » (un alleu). Avant l’an mil, c’est le principal mode. Ne rassemblons pas tout le monde dans le même panier. Nous écrivons l’histoire avec les archives avec les grands propriétaires. Détour d’une charte. Difficultés d’établir l’histoire. Diminution des alleux paysans, à la faveur des endettements. Les successions de mauvaises productions endettent.

2.La seigneurie banale

Le droit de ban est une prérogative régalienne. Le droit de ban a une origine publique. Avec la décomposition de l’empire carolingien, ce droit de ban a été usurpé par les grands fonctionnaires avant de descendre les degrés de la hiérarchie. Les châtelains ont fait construire sur une motte le symbole de leur pouvoir local. Maintien de la paix.
La justice est un des premiers aspects du droit de ban. Elle est encore au haut moyen-âge collégiale. Les hommes libres sont convoqués. Le comte réunit son plaid. Les hommes libres doivent y assister. Les peines sont publiques pour servir d’exemple. Mais, à partir de l’éclatement, la justice est représentée par le seigneur. Il impose des peines très lourdes. Il y a alors un intérêt direct dans la perception d’une amende. Quand le seigneur est justicier, l’amende infligée vient dans la poche du seigneur.
Le ban est aussi militaire. Le droit de se battre tombe en désuétude. On a des guerriers spécialisés. Le droit de ban militaire s’exerce toujours. Les manants, ceux qui demeurent autour du château, participent à la construction du château. Il réquisitionne les hommes comme force de piétaille.
Les châtelains sont responsables de l’ordre. On parle de coutume, de cadeau. Manifestation de la reconnaissance spontanée. Quand on paie les impôts, contribution. Exaction : ce que l’on exige. Vers le milieu du XIe s., droit de gîte. Prélèvement non négligeable. Taxes de garde, de sauvement, de protection. Corvées pour l’approvisionnement du domaine seigneurial. Assurance de sécurité. Un tonlieu pour les marchés. Les seigneurs ont aussi des privilèges commerciaux. Ils peuvent exiger le banvin. C’est la vente du vin, en fin de saison. On vinifie difficilement, des vins peu alcoolisés. Ils tournent dès qu’il fait chaud. Fin juin, les vins commencent à piquer. Le seigneur veut vider ses tonneaux. Fin XIe et XIIe s., d’autres monopoles économiques, mise ne place du four, du moulin, du pressoir,etc. Là aussi on parlera du four banal. On parle des banalités. Le seigneur demande à ce que l’on construise son four. C’est une obligation, un monopole. Construire un bon four, un bon pressoir, ça demande un investissement. Il vaut mieux profiter des instruments du seigneur. Ce sont les infrastructures. On a les premières mentions de la taille. Elle permet au maître du terroir d’exiger un secours matériel et de le répartir entre les foyers. Le seigneur décide des sommes à récolter. La taille est payable à la prière (insistante) du maître. Les paysans sont taillables. Ce n’est pas un impôt royal comme pour l’époque moderne.
Le simple seigneur foncier disposait de la justice foncière, civile. Pour les moyens délits. Il a la basse justice. Dans le contexte d’émiettement du pouvoir, les châtelains s’emparent de la haute justice et on fait peser assez lourd leur autorité. Bien sûr, quand on fait un cours, classifications juridiques. Pour le paysan de base, pas de différences. Évolution dure pour les paysans. Il y a un jeu de vases communiquant. Les charges banales s’alourdissent. Les obligations nouvelles pèsent sur tout le monde. Le droit de ban est un pouvoir de commander. Le poids de ces « exactions » varie beaucoup d’un lieu à un autre. C’est difficile de proposer une estimation. Ce que l’on ne sait pas, c’est qu’est ce que ces charge représentaient après. On ne sait pas ce que ces personnes encaissaient. La justice a été très lourdes. Georges Duby relève qu’au début du XIIIe s., on percevait en moyenne 30 sous d’amende par coupable. Un journalier gagnait un denier par jour. Il faut pour 1 sous, 12 deniers. Cette charge de la justice est très lourde. Le pauvre type se retrouve sur la paille. Encore faut-il que la justice ne soit pas rendue de façon inhabituelle. L’arbitraire n’est pas totale. On évite les dérapages. On se pose la question. A qui se plaindre ? A l’époque de Saint Louis, on fait des enquêtes. Problème énorme. La poigne locale est extrêmement lourde. La fixation par écrit de la coutume judiciaire. C’est une amélioration.

II.La grande expansion

A partir des années 950, la population commence à être plus importante. Les évaluations de population divergent. Même plus tard, on dénombre uniquement les feux, pas les individus. Les Anglais ont en 1086, le « domesday book » ; inventaire du royaume. En 1346, avant la grande peste, il y a la « poll tax ». Pour le royaume d’Angleterre, on passe de 1,1 à 3,7 millions d’individus. C’est une progression de +0,46%. Des chiffres de population tout à fait différents. L’Angleterre qui attaque la France, c’est David qui attaque Goliath. Pour nous, entre 20 et 22 millions d’habitants, dans les limites de la France d’aujourd’hui. C’est un phénomène de dynamisme. Une quantité croissante de personnes ont émigré, sont parties en croisade. Intensification de la mise en culture des bonnes terres.
On a associé les moines à ces grandes entreprises. Ce ne sont pas les seuls. Les défrichements sont des entreprises organisées. Il faut un certain temps. Ce n’est pas à la portée du petit paysan. On commence à laisser de l’herbe. On a bien des souvenirs des défrichements (les essarts, exarare, retirer les souches). Pour attirer les hôtes, encore faut-il présenter des conditions de vie plus favorables pour l’exercice du droit de ban. Pour une fauchée de blé, paiement. Pour le four banal, un pain sur 24.

III.Les travaux et les jours

Il y a trois zones. Le village est entouré des courtils clos. Les terres céréalaires. Les vignes. Les prés, les pâtures, les lands où on peut faire paître. Le Goff compare cette situation au négatif du désert du Sahara. Bien souvent les maisons sont désorganisées. Le bois était fondamental. Armature en bois. Le pisé, avec de la boue. Essentiellement deux pièces, la salle, avec le foyer, pas forcément une cheminée. On met la table. L’étage ne se développe qu’à partir du XVe s. Les ouvertures sont rares, peu de fenêtres. Il n’y avait pas de carreaux. La maison était relativement sombre. Quelques coffres fourre-tout. Un lit qui constitue le seul objet. On cohabite beaucoup dans les lits. Les parents dorment dans le lit avec leurs enfants. Une couverture de laine. Quelques tabourets. On mange dans le chaudron où à même la table. On utilise le pain comme assiette. La maison du paysan est pauvrement meublée. L’habitat a été pendant longtemps instable. Les morts ont créé un endroit de mémoire. Les méthodes de culture sont améliorée. Les fouilles archéologiques ne permettent pas de trouver des outils. Le métal était destiné aux guerriers. Progrès dans la métallurgie. _ Diffusions d’outils plus efficaces. La charrue, renforcée de fer, avec un socle métallique. Plus l’effort était grand, plus le courroie est lourde. Dans l’antiquité, les attelages se faisaient en rangée. Le moyen-âge va créer des attelages en file. Les forces sont additionnées. On va avoir de meilleurs rendements. Les modes de culture sont améliorés. L’organisation de la jachère : on va emmener les animaux pour obtenir les engrais naturels. On laboure le tout. Dans les moins bonnes terres, un an sur deux. La rotation triennale, l’assolement triennal. Les blés d’hiver : le froment, l’épeautre, le sègle. L’année suivante, les avoines, pour le bétail et les chevaux. L’assolement suppose une organisation paysanne. Il faut qu’il y ait une organisation permanente. Il va y avoir un troupeau communal. Organisation et solidarité. Les rendements augmentent. On estime que l’on avait que parfois la semence. Les céréales occupent une place privilégiée. On en consomme 1 kg par jour, au moins. Les labours multipliaient les semails. A côté des céréales, quelques cultures comme le lin, la guesde (les teintures des tissus). Le vin voyage mal. On fait pousser la vigne au-delà des limites que nous connaissons aujourd’hui. Le vignoble était très répandu. Les ecclésiastiques. Le vin fait partie des valeurs aristocratiques. On vinifie surtout des vins blancs. Le jus est clair. C’est les fusions avec les rafles. On avait pas du tout les notions d’aujourd’hui. On mélange le tout. Dans les régions comme en Bourgogne, on obtient des vins plus colorés. Ces vins se conservent assez mal. Au XVIIe s., les bouteilles permettent de conserver. Chaque paysan peut élever quelques bétails.
Au XIIIe s., il y a peu de chevaux et de bovins. On a le bétail nécessaire pour les laitages et les tractions. Il vaut mieux mettre en céréale que de garder des patures trop importantes. Les chèvres et les moutons sont plus importants. Le lait de vache était minoritaire. Les moutons offrent leur viande, la toison et le cuir. Les porcs fournissent avec la volaille l’essentiel de l’alimentation carnée à la campagne. Les porcs vivaient dans des forets. Le porc médiéval était plus petit, plus noir, avec un groin allongé. Il dévorait les racines. « Dans le cochon, tout est bon ». Utilisation de tout. Le gros gibier est réservé aux seigneurs. Pour les paysans, un peu de braconnage. La pêche : on utilise des viviers. La pêche est extrêmement importante. Le carême, c’est 47 jours sans viande. De toute façon, les paysans n’ont pas beaucoup de viande.
La vie quotidienne se fait au rythme des saisons que représentent de nombreux calendriers, sur les Églises, sur les montants des portes. Le mois de Janvier, de Janus, un visage vers l’année précédente, sur celle à venir. Avec mars, on va ressortir. Le paysan peut tailler la vigne. « Il faut tailler en mars ». En avril, c’est le début de la chasse. Les premières fleurs. Le mois de mai, la guerre reprend. En juin, mois de la fenaison. On coupe les herbes pour le foin. La faux pour le foin. La faucille est utilisée pour la moisson. On ne coupe que le haut. En août, le fléau permet de battre le grain. En septembre, la vendange. En octobre, récolte des fruits. En novembre, on abat le cochon. C’est l’animal emblématique des fins d’année. Décembre, c’est le retour à la maison. On a une concentration de réjouissances. Noël : le 25 décembre, jour arbitraire. 40 jours après février. Le carême tombe bien. On bénit les récoltes qui sont entrain de grandir. La saint Jean, solstice d’été.
La vie communautaire. Il y a une cohésion villageoise. Elle vient de la vie partagée. Se défendre contre les nouvelles arrivées. Cette solidarité villageoise se traduit rarement par des mouvements de révolte. La vie semble supportée. Les jacqueries datent du XIVe s. Les quelques mouvements ont été localisés dans le temps et l’espace.
Citation de Robert Delors ( ?) : « on ne peut méconnaître les difficultés de la vie paysanne (...) sentiments d’appartenir à une communauté (...) témoins d’une vie austère (...) un ordre accepté ». On a cassé l’ancien système.

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