Ulysses Saloff-Coste

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Histoire de légumes

jeudi 18 novembre 2004, par A. Descorps-Declere, M. Destal, Ulysses Saloff-Coste


Pitrat, Michel, Histoire de légumes des origines à l’orée du XXIe s., INRA Editions.

Introduction

Le dictionnaire Robert définit le légume comme le "nom générique de toutes le plantes potagères dont certaines parties peuvent entrer dans l’alimentation".

L’étymologie du terme nous mène au grec leberis qui signifie cosse. Ainsi, nous pouvons supposer que les légumes antiques étaient consommés pour leurs gousses, contenant des graines.

Dans la langue française, légume est passé du genre masculin au féminin, pour plus tard redevenir masculin. Malgré tout, on parle encore d’une grosse légume pour une personne importante.

Olivier de Serres (1539-1619) a fait des études poussées de droit et va consacrer son existence à faire de sa propriété une exploitation modèle et il écrit le résultat de ses lectures très étendues et de ses expériences agronomiques personnelles. Son livre Théâtre d’agriculture et mesnage des champs paraît en 1600. C’est la somme des connaissances agronomiques de la fin du XVIe siècle. Olivier de Serres est l’artisan, au début du règne de Henri IV, de la formidable extension de la culture du mûrier et de l’élevage du ver à soie.

Jean de La Quintinie (1626-1688) est une sorte de précurseur de la culture des primeurs. Les légumes s’échelonnent tout au long de l’année grâce à de nombreuses variétés comme les seize sortes de salades, ou à des espèces pour chaque saison : nasturces, salsifis d’Espagne, potirons... La pomme de terre et la tomate seront introduites plus tard au potager. Les prodiges accomplis au potager du Roi par La Quintinie lui attirent la reconnaissance de son maître. Louis XIV aimait, dit-on, venir se promener au potager.

A) Des origines...

1) Radis

Le radis est considéré comme un légume à l’origine très ancienne, datant de 2800 av J.C. Il arrive en Europe au début de notre ère de la méditerranée orientale via les romains.

Ce légume a une floraison estivale et printanière avec un cycle cultural court de 25 à 30 jours. De plus, il est facile à cultiver, même en hiver ce qui lui confère l’avantage d’être consommé durant toute l’année et être peu confronté au phénomène de disette. Avec une bonne connaissance de la culture, les récoltes peuvent être très rapprochées.

Le radis se consomme en milieu péri-urbain et se destine surtout à une consommation locale, à cause de la lenteur des voies de communication.

Olivier de serres décrit dans son livre une plante intéressante : « pour en semer toutes les lunes dont durant 6 mois, l’on aura tous les jours des nouveaux et tendres raiforts. »

2) Asperges

Selon certains égyptologues, l’asperge aurait été cultivée en Egypte, dès 3000 av. En 161 av, Caton la décrit dans De re rustica. Ce légume passe d’une consommation réservée aux riches, à celle des pauvres, pendant l’Empire romain.

Mais, l’asperge disparaît des textes pendant le Moyen-Age, pour réapparaître, cette fois dans les jardins, pendant la Renaissance. Mais, elle est alors un produit de luxe, prisée à la table de François Ier.

C’est seulement grâce à de Serres qu’est communiquée la façon de cultiver l’asperge :

"De pied en pied sont plantés les asperges, afin que par de telles raisonnables distances, elles puissent accroître à l’aise, ce que pressées ne pourraient faire, mais s’opprimant par surcroissance de rejetons, elles demeureraient toutes langoureuses"

Plus tard, de La Quintinie réussit à la "réchauffer" artificiellement.

3) Artichauts

Il y a peu de trace sur les origines de la plante si ce n’est des traces archéologiques datant entre 800 et 1500 av JC en milieu méditerranéen. Il aurait atteint la Navarre au but du XVIe s. mais il est méconnu car sensible au froid ainsi qu’aux températurex élevées donc le climat tempéré est peu favorable à son expansion.

Il passe d’une image marginale à une image chique et à la mode de par la consommation de Catherine de Médicis qui y trouve son « pêché mignon ». Il trouve donc sa place en Ile-de-France avec l’aide du progrès technique mais restera un légume destiné aux riches bourgeois et nobles : il est rare et coûteux.

Ce n’est que plus tard que le légume sera consommé par les riches et les pauvres : au XVIIIe s.

4) Pois

Le mot pois semble tirer son origine du latin pisere : casser, parce que la graine cassée en deux donne le pois cassé.

Des graines ont été découvertes en Irak, datant du 7e millénaire av. Mais, pour trouver des formes cultivées, il faut attendre le millénaire suivant.

Le pois est connu au Moyen-Age. C’est la principale ressource de consommation avec les céréales. Il est mentionné dans les impôts, et surtout pendant les périodes de famine. Au XIIIe, le pois est servi en purée avec du lard. Ainsi, le pois accompagne des viandes ou des poissons pour composer un potage, c’est-à-dire un plat non rôti, mais cuit en pôt. Le tout est mangé sur du pain.

Au XVIe, les pois sont estimés :

Qui a des pois et du pain d’orge,
Du lard et du vin pour sa gorge,
Qui a cinq sous et ne doit rien,
Il se peut qu’il est bien.

La Quintinine mentionne sept types de pois, variant en forme, couleur de grain,etc. D’ailleurs, un pois va devenir l’objet d’un snobisme : le petit pois vert venant d’Italie. Louis XIV en mangea à l’excès, allant même jusqu’à l’indisposer.

Le tableau de Georges de la Tour, "Les mangeurs de petit pois" montre combien, le pois chiche en particulier est la base de l’alimentation paysanne.

B) Ceux de l’Antiquité

1) Poireaux

Le poireau trouverait son origine dans l’Egypte de 2000 av J.-C. et dans une vaste zone méditerranéenne (Iran - Portugal).

C’est une variété d’ail cultivé pour son pied uniquement. On découvre au XVIe s. que le « fut long » permet un meilleur rendement et le « fut court » est plus résistant à l’hiver.

« Les poireaux sont les asperges des pauvres ».

2) Carottes

La carotte est signalée en Espagne au XIIe s. Il pourrait s’agir de carottes d’origine afghane. Un témoignage atteste de l’existence en Italie du Nord, d’une carotte dont la purée est de couleur rouge. Ce type de carotte semblait plus connu que ses équivalents blanc et jaune à cette époque.

En France, Olivier de Serres nous explique que les carottes de différentes couleurs donnent lieu à des confusions de termes dans le royaume. Même La Quintinie ne nous eclaire pas plus sur la consommation de carottes rouges. Mais, des témoignages étrangers semblent montrer la préférence des français pour les carottes blanches et jaunes.

Nous pouvns avoir une idée de l’apparence du légume au XVIIe s. par le biais d’un tableau de Witteval, datant de 1618. Les carottes peintes sont fines, courtes et nettement orangées, à côté de certaines plus grosses.

3) Laitues

La laitue est une plante mentionnée dans les littératures grecque et romaine.

Au XVIe s. la laitue était encore que très peu cultivée car perçue comme non nourricière et mauvaise herbe. Toutefois, c’est un important apport en fibre et bonne pour le transit intestinal, apport de vitamine C mais il est vrai, pauvre d’apport nutritionnel.

La Quintinie va tout de même imposer dans le potager du roi louis XIV sa culture pour que la table du roi soit garnie de salades en janvier. Aujourd’hui on recense plus de 85 espèces de part le monde, elle reste un élément incontournable de nos coutumes alimentaires.

4)Choux

Les noms des choux ont évolué au cours du temps. Par exemple, le nom grec kaulos qui signifie tige, pouvant indiquer ue le chou de l’époque antique se rapprochait à un brocoli primitif, est repris par les romains. Par déformation de l’écrit, kaulos devient colis. C’est ainsi qu’en français, nous obtenons chou, ou encore col, plus proche, en espagnol.

Plus tard, au Moyen-Age, le chou est désigné par "cabüs", dérivant du latin caput, tête. C’est un chou qui rappelle ceux que l’on peut apercevoir dans nos marchés, mais à l’origine le chou présente peu de feuilles. Pendant cette période, à part le chou-fleur et le brocoli, les paysans consomment plusieurs formes de choux. Ainsi, la soupe au chou est un plat fréquent.

Olivier de Serres insiste dans son livre sur ce légume comme principal met dans les potées et dans les soupes accompagnées de lard. D’autre part, dans les régions au climat rude, le chou et transformé en choucroute. Il est acidifié par fermentation lactique afin d’être conservé pour une grande durée sans perte de ses qualités nutritives.

Mais, quand la pomme de terre devient courante, le chou est de petit à petit remplacé par ce nouveau légume.

5) Aubergines

C’est un légume caractéristique des régions méditerranéennes. Elle trouve son origine dans l’ancien monde et connais une grande diversité de couleurs et de formes depuis son origine.

Elle fait partie de la famille de Solanacées de même que la pomme de terre, la mandragore ou le tabac ! Elle fut alors fortement mésestimée par les savant car, appartenant au même groupe que des plantes perçues comme nocives. Il est dit dans les livres que celle-ci apportent peu de nourriture au corps mais plutôt, génératrice de mélancolie, d’hémorroïde, de mauvaise haleine ainsi que de teint jaunâtre de la peau.

Cela dit, Louis XIV demanda d’en faire la culture pour s’en servir à des fins ornementales : « on n’en cultive que pour la curiosité. » (de combles).

6) Fraisiers

Le nom botanique de ce légume fruit est fragoria. Son origine est le verbe latin fragare, odorant, d’où fragance.

Les preuves de cultures des fraisiers (ses fruits ne sont alors pas consommés) qui nous sont connues datent du XIVe s. Au Moye-Age, on associe des propriétés médicinales à chaque partie de la plante ; quelques années plus tard, la culture du fruit commence. Au XVe s. on utilise diverses parties des fraisiers pour tenter d’agir contre le mal de gorge, les maux de reins ou encore les fractures.

Mais, tout va basculer avec l’exportation de fraisiers canadiens. En effet, les fraises européennes ne sont que de petites dimensions. Même si certaines des espèces d’Amérique sont moins savoureuses, elles donnent de plus gros fruits.

C)... aux légumes d’Amérique

1) Pommes de terre

La pomme de terre fut rencontrée par les européens lors de la découverte de l’Amérique en 1492.

Elle arriva d’abord en Espagne à la fin du XVI siècle car c’est la grande puissance marchande et naval de la période. Au début la plante connait un refus populaire lié aux superstitions du Moyen-Age : le Mal se trouve sous terre, la maladie en émane.

La pomme de terre est aujourd’hui un aliment de base de l’alimentation des habitants d’un grand nombre de pays, en effet son apport en sucre lent apportant du glucose en continu, cela fait d’elle un aliment consistant et accessible à tous qui se rapproche du pain.

2) Tomates

La tomate a transité du Mexique en Espagne. Dans la région de Mexico, on parlait de "tomatl". Les espagnoles la renomme tomate. La première évocation du légume fruit est faite par un botaniste italien en 1544. Ce même auteur indique plus tard l’existence de tomates jaunes., arrivées en Italie. L’effet aphrodisiaque présumé du légume lui donne le nom de pomme d’amour en français.

En Europe, on croyait la tomate toxique. Elle était plantée pour orner les jardins ou décorer les balcons. On l’utilise pour les sauces dan la région de Naples, puis à Nice. C’est seulement au XVIIIe s. que commence la consommation du fruit frais.

3) Haricots

De même que la pomme de terre, il est découvert en Amérique par les européens.

Il connut une expansion rapide et trouva sa place en France grâce à un envoi massif dans toute l’Europe par le Pape après sa réception à Rome.

C’est une plante à développement rapide dans les milieux tempérés tel que la France, et c’est sous Catherine de Médicis que celui-ci va connaître sa première période culturale en France. Toutefois, il ne se répand pas tout de suite malgré sa similitude avec le pois ou la fève à habitudes alimentaires.

Conclusion

Au cours des siècles, les légumes sont sélectionnés afin d’améliorer leur goût. Si nous nous trouvions au milieu d’un banquet au Moyen-Age, nous ne serions pas capables de reconnaître les légumes de notre époque. Non seulement leur goût change, mais aussi leur forme, leur taille, la densité de leur feuillage comme pour le chou. Des variétés de légumes ont été privilégiés, entrainant la disparition de "cousins".

Quand, nous parlons de nos jours d’O.G.M., il s’agit d’un processus de sélection et de modification du caractère du légume qui a lieu sur quelques années contre des siècles dans le passé.

L’histoire de légumes nous aide à mieux comprendre les enjeux des O.G.M. Modifier de façon artificielle un légume, c’est réduire la richesse de ses variétés dans l’avenir.

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