Ulysses Saloff-Coste

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Les constitutions de la Révolution française

mardi 18 octobre 2005, par Ulysses Saloff-Coste


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Bibliographie :

  • Duverger M., “Les constitutions de la France”, Que sais-je ?
  • Verpeaux M., “Textes constitutionnels révolutionnaires français”, Que sais-je ?

Introduction

Les Constitutions de la Révolution française permettent de mettre fin aux constitutions coutumières de l’ancien régime. Comme le rappelait Turgot à Louis XIV : « Sire, votre royaume n’a point de constitution ». La Constitution nous informe sur les pouvoirs des Institutions politiques.
Des innovations sont tentées pendant les règnes des Capétiens, comme la constitution de la Chambre de Saint-Louis (juillet 1648). Mais de 987 à 1789, l’élection aristocratique suivie de l’hérédité sont les seules voies de transmissions du pouvoir. Par la suite, la monarchie devient absolue sous les règne de Louis XIV. Ce sont des roturiers, montrés du doigt par Saint-Simon, qui conseillent le roi. Les seigneurs n’ont plus que des fonctions subalternes. Le gallicanisme rend le souverain français libre d’élire ses évêques.
Quand le roi ne veut pas s’encombrer des Etats généraux (réunissant les trois classes), le souverain réunit des assemblées de notables. En les flattant, il peut s’assurer la création d’un nouvel impôt.
Mais tout bascule, quand Louis XVI décide de réunir les Etats généraux. Le tiers Etat a deux fois plus de membres que prévus. L’Assemblée nationale naît.

Comment les constitutions de la Révolution française vont-elles être modifiées afin de faire face à leur valse ?

Nous étudierons les constitutions (1791, 1793 et 1795) de manière chronologique.

1) La constitution de 1791

a. La DDHC

La constitution inclut la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle a des points communs avec la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Ces déclarations ont la même inspiration : maintenir le contrat social. Ce dernier, expliqué par des philosophes comme Hobbes, Locke ou Rousseau, consiste à ce que chaque personne mette fin à ses droits individuels pour les confier à la communauté. Ainsi, chaque personne est soumise à la loi. Mais, elle peut profiter de sa liberté, de sa sécurité et de la propriété privée.

La DDHC est rédigée dans la précipitation, dès le 14 juillet. Face à la médiocrité des textes rédigés, différents projets de textes sont assemblés. Une notion nouvelle, du point de vue de l’ancien régime, est le droit au bonheur : « les réclamations des citoyens (...) tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ». Dans l’article 2, les droits du citoyen sont énoncés : « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à la répression ». L’ajout de la propriété semble être une des préoccupations des bourgeois, rappelée dans l’article 17.

Apparaît aussi une souveraineté appartenant ni à un monarque, ni à un peuple, mais à la nation (Art. 3). « Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». La nation acquière un statut de personne juridique. Le suffrage universel et le référendum sont ainsi mis de côté. Ils ne sont pas énoncés comme un droit.

L’article 16 aborde la question de la séparation des pouvoirs : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». La déclaration emprunte une idée chère aux britanniques. Le pouvoir législatif, exécutif, et judiciaire sont séparés. Les gouvernants ont ainsi un pouvoir limité.

La déclaration s’efforce donc de mettre fin aux abus de la monarque absolu. L’Art. 16 montre du doigt les constitutions coutumières. Ainsi, l’Art. 15 permet de mettre fin à un acte sans fondement, comme les lettres de cachet du roi.

b. La constitution

Le roi devient le « roi des Français » (titre III, chap. II, sect. 1, Art. 1). Le roi n’est plus le lieutenant de Dieu sur Terre, mais en quelque sorte, le lieutenant de la loi (Art. 3). Alors que les seigneurs devaient reconnaître le sacre du nouveau roi, cette fois le roi doit prononcer un serment à son nouveau supérieur : la nation (Art. 4).

Les membres de “l’assemblée nationale législative” sont élus pour deux ans (titre III, chap. I, Art. 2). Elle est composée de 745 représentants (sect. 1, Art. 1). Les membres sont élus au suffrage indirect. Les citoyens doivent payer un cens pour pouvoir voter. C’est donc une constitution prévue pour les classes moyennes.

Le pouvoir exécutif est exercé par le roi seul (titre III, chap. IV, Art. 1). Celui législatif est l’affaire de l’Assemblée nationale (t. III, chap. III, Art. 1). Le roi ne peut dissoudre l’Assemblée. Ses ministres ne peuvent être choisis parmi les membres de l’Assemblée afin d’éviter toute corruption. Mais, le roi a un droit de veto. Ce dernier ne peut durer que quatre ans. La Constitution favorise l’Assemblée et efface le pouvoir du roi.

2) La constitution de l’an I, 24 juin 1793

En février 1793, Les Girondins rédigent 400 articles d’une constitution jamais appliquée. Ils souhaitent concentrer les pouvoirs dans une assemblée unique. De plus, les lois émanant de l’Assemblée passent par un référendum. Ensuite, le suffrage universel direct est pris en compte. Enfin, le pouvoir des grandes municipalités est limité. Ces caractéristiques provoquent des émeutes, organisées par les Jacobins et entraînent l’abandon du projet constitutionnel.

Au bout d’à peine un mois, les Jacobins rédigent la constitution du 24 juin 1793. Ils reprennent la constitution girondine, en écartant la question des municipalités.

Des assemblées primaires sont formées par cantons afin de permettre l’exercice du suffrage universel et celui du référendum. Le conseil exécutif est nommé par le corps législatif.

La nouvelle DDHC incorpore une « souveraineté populaire », à la place de la souveraineté nationale. Les individus exercent donc une partie du pouvoir en votant. Dans l’art. 35, le peuple peut former une « insurrection » dans le cas de la violation de la constitution par le gouvernement.

Le référendum proposant cette constitution connaît beaucoup d’abstentions : 5/7 des électeurs.

3) La Convention et la Constitution du 22 août 1795

a. La Convention

De septembre 1792 à novembre 1795, la Convention prend les rênes du pouvoir. Cela va à l’encontre des idées républicaines : une constitution écrite flottante. L’assemblée concentre tous les pouvoirs. Elle nomme des ministres pour les décisions.

La Convention commence par exercer elle-même le pouvoir, avec un conseil exécutif dépendant d’elle. Mais par la suite, un nouveau comité est créé : le “Comité du salut public”. Il peut suspendre des arrêtés, émettre des mandats d’arrête contre des fonctionnaires. Le Comité prend le dessus sur la Convention.

Enfin, le pouvoir passe du Comité à Robespierre (1758-1794). Les mêmes membres sont réélus dans le Comité pour un mois. Robespierre en est le membre le plus important, une sorte de dictateur. Une sorte d’élite est prise dans le peuple, enlevant tout caractère aristocratique, selon la définition de l’ancien régime, à la dictature de Robespierre.

Mais en juillet 1794, face aux troubles de la Terreur, la Convention reprend le pouvoir. Robespierre perd sa tête. Le Comité n’a plus de pouvoir car de nombreux comités son créés.

b. La constitution du 5 Fructidor an III

Le 3 avril 1795, une commission est nommée afin de constituer. Après la démission des membres, les nouveaux décident d’écrire une constitution en partant de rien.

La DDHC prend en compte les devoirs du citoyen. La liste des libertés est restreinte. La fraternité est dépassée par la propriété (Art. 9). On pense presque à Liberté, Egalité, Propriété. La loi est déifiée : « religieusement observateur des lois » (Art. 5). Les précautions sont donc multipliées afin d’éviter toute monarchie ou dictature passée.

Tout est préparé pour que personne ne gouverne vraiment. Le “conseil des Anciens”, le “conseil des 500” sont élus pour 3 ans. Il n’y a plus de suffrage universel, car il faut contribuer pour pouvoir être électeur. Les Conseils ne servent qu’à rendre impossible la dictature d’une assemblée.

Enfin, le Directoire est recomposé tous les 5 ans. Le Directeur est proposé par les 500 et choisi par les Anciens. La dualité des Conseils est résumée par Boissy d’Anglas (1756-1826) : « Les 500 seront l’imagination de la République ; les Anciens en seront la raison ». Les Directeurs n’assistent pas au Conseil. Ils ne peuvent les dissoudre. Ces caractéristiques sont réciproques.

Mais, la Convention veille par un décret à introduire d’anciens conventionnels dans les Conseils. De plus, les nouvelles élections donnaient des conseils face à un Directoire dirigé par l’opposition. Du coup, tout était fait pour annuler les élections ou forcer le camp adverse à démissionner.

Comment donc prendre au sérieux la nouvelle Constitution ? On commence à regretter la monarchie. Tout est prêt pour le 18 Brumaire napoléonien.

Conclusion

Les constitutions n’ont pas pu éviter leur valse. L’Empire est une nouvelle forme de dictature. Le droit au bonheur a tout de même été enfin écrit noir sur blanc. Les constitutions ont souffert des affrontements des oppositions n’hésitant pas à violer la loi à leur avantage.
Les constitutions de la Révolution française marquent les prémices d’une République en construction perpétuelle, retardée par l’Empire et le retour des Bourbons. Sinon, pourquoi cinq Républiques se sont-elles suivies jusqu’à nos jours ? Les Constitutions témoignent de la possibilité de combattre, par des améliorations successives, l’oppression exercée par une minorité de personnes afin d’offrir la Liberté à tout citoyen.

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