Ulysses Saloff-Coste

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Le temps de Charles le Chauve

mercredi 11 janvier 2006, par Ulysses Saloff-Coste


Dès 843, l’idée d’unité du monde franc est battu en brèche par la constitution de nouvelles entités. Dès 843, comme une historiographie la présente, la France viendrait de naître. L’Ouest du monde franc présente bien des traits spécifiques. Pour autant, il est évident que le Chauve et ses frères continuent à se penser au cœur d’un grand ensemble. Ils ont aussi cherché à maintenir un Empire avec u titre impérial revendiqué. Alors, roi des Francs ? Il fut les deux. Un règne désastreux ou très glorieux ? En 1962, le jury présente : « Le règne désastreux de Charles le Chauve ». Réponse : désastre parce que pas de traitement contre la chute des cheveux. Pas attitude d’historien quand on parle de désastre pour un règne. Ce règne est décisif : politique, social, plan culturel et artistique. On a pu parler de seconde renaissance carolingienne, ou d’apogée carolingienne. Ce règne doit être analysé pas à pas, et non selon un cadre préconçu.

I. Tempêtes et innovations 840-858

A. La conquête du royaume et du pouvoir 840-843

1. Le frère se retournera contre le frère
Lothaire tente de faire imposer les dispositions de 817 et aussi de prendre l’avantage sur ses frères par la voie militaire. Il s’en prend aux terres Nord-Ouest, pour le Chauve. Lothaire s’attaque au Germanique et sépare les fidèles de ses cadets. Enlever leurs soutiens militaires de cette manière. Alliance des cadets. Le choc militaire se produit le 25 juin 841 : Fontenoy en Puisaye. De nombreux soldats vont manquer quand il faudra résister face aux pirates du Nord. La défaite de Lothaire est vu comme un jugement de Dieu. Lothaire se réfugie à Aix et à Thionville. Alors, les cadets se font serment : les serments de Strasbourg. Le texte tire les conséquences de toute l’évolution politique du monde franc. C’est pourquoi, c’est un texte charnière entre les deux moments de l’histoire carolingienne. Offensive menée par les deux rois les conduit à négocier avec Lothaire. Après une rencontre entre les trois frères, on décide que ce sont les Grands qui mènent les négociations. 120 Grands négocient le 19 octobre 842. Trouver une division de l’Empire. Conclusion d’une trêve jusqu’à juillet 843. Pendant cette période, on évalue les richesses de l’Empire pour proposer un partage. En août 843, les trois rois ratifient le partage de l’Empire. Il se veut équitable. Tout ce qui est prévu par l’ordinatio est désormais lettre morte. Lothaire reçoit la partie centrale du monde franc, avec l’Italie, une large bande de territoire qui va jusqu’à la mer du Nord. Il a deux capitales : Rome et Aix. Plus de prééminences malgré le maintien de son titre impérial. Pour le Germanique, l’Est. Charles reçoit la Neustrie et l’ensemble des royaumes de l’Ouest. Le Rhin et le Rhône sont une frontière naturelle. En changeant de rive, on passe de l’Empire au royaume. Transmission au siège romain de l’accord. L’Eglise est le seul garant de l’ecclésia, au sens de la communauté des fidèles.

2. Grands du roi et roi des Grands
Des fidélités se dessinent dans les moments difficiles. Histoire longue pour l’histoire des Grands et du Chauve. Plus grands soutiens et sources d’ennui. Second épisode, célèbre et évoqué par Montesquieu en parle dans “L’Esprit des Lois”. Capitulaire de Coulaines. Une partie de l’aristocratie présente l’addition. Ce qui se noue à Coulaines est la garantie mutuelle du respect des « honores ». Il s’agit d’une fonction publique déléguée à un Grand, mais c’est aussi la fonction royale, l’ « honor » royale. Capitulaire de 823, même lignée. Le capitulaire renforce l’idée d’appartenance à une communauté.

B. Grande manœuvre en tout genre

1. Le spectre de la défaite
Charles a besoin de l’aide aristocratique. Deux défait en moins de 18 mois. Sur le plan diplomatique, ce n’est pas mieux. Défait contre les Aquitains, une autre contre la Bretagne. Cette dernière a lieu a Ballon, le 25 novembre 845. Les deux vainqueurs sont Pépin d’Aquitaine (pou un temps) et Nominoë qui renforce son emprise sur la Bretagne. Si cette emprise est durable, la situation évolue en Aquitaine car Pépin ne peut arriver à bout des attaques des Vikings. Une partie se tourne vers le Chauve. Il en profite pour se faire sacrer à Orléans le 6 juin 848 par l’archevêque de Sens : Wenilo. @

2. Frères alliés ou frères ennemis
« Régime de la fraternité ». La situation se résume du côté de Lothaire : « je suis favorable à la fraternité, si je suis devant, etc. ». Lothaire est plus malin que ses frères dans son rôle de protecteurs de l’Eglise et de la papauté. Pour le Pape, le premier est Lothaire. Des assemblées se réunissent pour la question de la fraternité : Yütz en 844. Les trois frères déclarent qu’ils vont régirer leur relation de manière fraternelle. Ressemble trop à des promesses électorales.

Nouvelle conférence à Meersen près de Maastricht. De nouveau, on dit que l’on va se recevoir. Mais, il faut attendre sept ans pour une nouvelle conférence à Meersen en 851. Celle de 845 n’a pas lieu. Lothaire obtient la reconnaissance de son titre impérial, mais ce titre ne veut plus rien dire. Charles se rapproche de Lothaire. Ce n’est pas un bon calcul parce qu’en 855, Lothaire meurt. Louis apparaît alors comme la principale source de danger.

C. En 858, l’année terrible

1. Le problème Vikings
Les Normands qui boivent dans le crâne des vaincus, selon la BD Astérix. Dernier avatar de la légende des hommes du Nord. Souvenir depuis mille ans. Vikings du VIIIe s. Ce ne sont pas des enfants de cœur, sans tomber dans les extrêmes.

2. Les expéditions vikings
Les scandinaves quittent la péninsule vers 793. Remarquables navigateurs, ils suivent les côtes, remontent les fleuves. Ils sont reçus sèchement sous Charlemagne. Louis le Pieux hésite entre diplomatie et guerre.

Les Vikings n’ont pas une volonté de conquête, mais aiment le butin. Ils veulent s’enrichir. Remarquables commerçants, ils comprennent qu’après 840, mieux vaut la hache et l’épée. Désormais, les Vikings se muent en pillard. Vice à négocier leur départ d’une région contre un peu d’argent. On parle de « dangeld » en Angleterre pour parler de l’impôt.

Vers le sud, Séville est brûlé. Rahman réagit et réunit son armée. Négociation avec les Arabes : fourrures et esclaves contre des produits orientaux. En 873, le Chauve bat les Vikings à plat de couture. Noirmoutier, île. Il y a du sel. C’est la plaque tournante du sel. Matière fondamentale de l’économie de l’époque.

3. La mémoire des Vikings
Les sources sont responsables de la mauvaise opinion des historiens à propos des Vikings. Lieux faciles à attaquer : les monastères. Mais, les rédacteurs sont les moines. Nombreuses descriptions. Reliquaire découpé en morceau pour récupérer l’or. Description non pas comme des commerçant un peut trop efficaces, mais comme des effroyables pillards, ante-christ, etc.

4. Un été et un automne pourris
Habitude pour les Vikings de s’installer sur les îles proches des fleuves. Installation dans Oscelles dans les Yvelines. Les Aquitains s’agitent et s’allient aux Grands. Le chauve obtient de l’aristocratie un serment de fidélité. Le 1er juillet, siège de l’île. Le 23 septembre, le siège continue. Appel du Germanique. Assaut du royaume de son frère. Les Grands rejoignent le Germanique. Un seul évêque manque à l’appel : l’archevêque de Sens, celui qui avait sacré le Chauve à Orléans. Il s’appelait Wenilo (Ganélon). Le traître de la chanson de Roland. Il a bien trahi son roi. Le chauve a eu de la chance. Le Germanique démobilise ses troupes. Charles monte une opération rapide et efficace. Le 15 janvier 859, le Germanique rentre dans ses terres.

Année très difficile, mais charnière dans le règne. Nouvelle phase du règne.

II. Élaborations et constructions 859-869

A. Mises en ordre

Les Vikings continuent leur manège. Les évêques réclament toujours une protection plus efficace. Mais, Charles parvient à mieux protéger les évêques. Plus d’intérêt pour les Vikings de le servir. Intégration des troupes du Chauve. Battus dans le domaine militaire. Il reste les Grands. Ils continuent à s’agiter, mais perdent le soutien du Germanique.

B. Contexte international favorable

1. Lothaire II divorce
Il a épousé Theutberge. Pas d’enfants. Walrade lui donne un fils. Souhait de divorcer de la première. Pension alimentaire. Lothaire souhaite faire des économies. Dossier d’accusation contre sa femme. Crimes sans pardons. Concile qui conclut à l’annulation du mariage. Pénitence au monastère. Aux yeux du clergé de Lothaire, alliance légitime avec la seconde.

2. Hincmar conteste
Service commandé de Charles ? Aveux extorqués sont le produit d’une machination. La femme se réfugie dans le royaume de Charles. Lothaire II rejoint le camp de Louis le Germanique. Pourquoi ce divorce est central ? Légitimer l’héritier.

3. Le pape proteste
La papauté s’oppose au divorce. Des prélats passent chez le Chauve. Ce dernier tient bien en main son aristocratie. Lothaire II part à Rome. Le 8 août 869, disparition de Lothaire II sans héritier légitime.

C. Des ponts, des monnaies et des châteaux
Réunion d’une assemblée à Pîtres. Réforme de la vie du royaume. Charles rappelle qu’il est le maître dans son royaume. Il prend des décisions économiques sur les monnaies ou sur les marchés. Il est le seul qui a le droit de battre monnaie ce qui prouve qu’il est concurrencé. Les comtes doivent relever chaque marché pour percevoir l’impôt du roi. Destruction des châteaux non légitimes, de même pour les routes. Contrôle des agents royaux. Ensemble des fonctions régaliennes. Reprise en main du royaume permet d’intervenir dans la politique internationale.

III. Apogée et chute 869-877

A. Lorraine, Lorraine chérie

1. Soumis à la tentation
Lothaire II régnait sur une région composée entre autre de Metz et d’Aix la Chapelle. Lotharingie. Lieux importants du monde carolingien : Metz, ville d’Arnoulf et Aix, ville de Charlemagne. La Lorraine devient une forte tentation pour Charles, en souvenir de son grand-père. Le 8 août 869, mort de Lothaire II. Le 5 septembre, entrée à Metz. Puis quatre jours après, il est sacré empereur. « empereur et auguste » car il possède deux royaumes. Pour être empereur, il faut être à la tête de deux royaumes. Lothaire souhaitait conserver deux royaumes et autant de capitales. Lors de la cérémonie du sacre, dans la cathédrale de Metz, les évêques par le biais de Hincmar, demande d’un serment.

B. Le rêve impérial

1. Histoires de femmes
Le 9 octobre 869, mort de sa femme Hermentrude. Interprétation favorable car jour de Saint Denis. Les mauvaises langues voient dans la rapidité du mariage avec Richilde, l’absence de passion. Onze enfants pour son ancienne épouse. Le 22 janvier 870, mariage à Aix la Chapelle. Sentiment que rien lui serait impossible. Une des raisons est la possession du palais de son grand-père.

2. Les ennuis commencent
Contrairement à toute attente, retour de Louis Le Germanique. Pas mort et a survécu à sa maladie. Il ne souhaite pas partager de manière égale le territoire de Lothaire II. Il pourrait même recourir aux armes. Rencontre à Meersen, le 8 août 870. Ils parviennent à un accord qui permet à Louis de récupérer la partie Est du décédé. L’accord de Meersen passe les droits de Louis II, fils de Lothaire I et frère de Lothaire II. Même empereur Louis II ne règne que sur un petit territoire.

En février 871, prise de Bari en Italie pour le bonheur du Pape quand la ville est libérée.

3. Les Noël sont porteurs de couronne
Sous la pression des évènements, l’attitude du Pape a changé. A l’automne 871, la couronne court que Louis II est mort. Pas de successeur qui puisse assurer la charge impériale. Successeurs : les deux tontons flingueurs. Les deux frères repartent dans leur course. Mais, surprise le mort renaît.

Hadrien a dû réfléchir. Lettre très favorable. « si votre noblesse survit à notre empereur ». « nul autre que toi-même » choisi comme empereur. Pour Charles, lettre parfaite car pour lui, mémoire de Charlemagne. L’Empire est désormais pour les derniers fils de Louis le Pieux, un objectif clairement avoué.

Mais, Hadrien n’a pas le temps de voir la réalisation du projet. Il meurt à l’automne 872. Il précède de trois ans l’empereur Louis II, le 12 août 875. Jean VIII fait alors savoir à Charles le Chauve qu’il reste son candidat. Dès septembre, Charles prend la route de l’Italie. Contrôle des fils de Louis le Germanique.

C. Fin de rêve, fin de règne

1. Un empereur sans capitale
En été 876, le Chauve tente une mission diplomatique envers Louis Le Germanique, mais le vieux frère meurt. Charles décide de reprendre Aix la Chapelle, abandonné en 870. Dès la mi septembre 876, il décide de s’avancer à l’Est. Mais, il menace les possessions de Louis le Jeune, fils de Louis le Germanique. Le 8 octobre 876, Charles prend une raclée mémorable. Il fait achever dans son palais de Compiègne, une réplique de la chapelle de son grand-père. Elle est consacrée le 5 mai 877.

2. Les Grands une fois encore
Dans le même temps, Jean VIII souhaite son retour pour parer le péril musulman. Charles le Chauve, avant de partir, réunit une assemblée le 14 juin 877 à Quierzy. Une fois encore, il s’agit de revenir sur la question du statut des « honores ». Louis Le Bègue se voit confier le royaume, mais le père ne lui fait pas confiance concernant ses qualités politiques. Il promulgue un capitulaire. Le capitulaire de Quierzy précise qu’en cas de mort d’un comte, son fils lui succède. Ce n’est pas la naissance de la succession des « honores ».

3. Voir Rome et mourir
Le 20 juin 877, le roi est à Compiègne. Il est accueilli Verceil par le Pape. Il l’accompagne à Pavie. Charles apprend que ses neveux veulent lui compliquer la vie. Charles a le temps de couronne Richilde impératrice et la renvoie avec les « regalia ». Peur de les perdre en bataille rangée. Il attend ses soldats, bloqués par une révolte. La maladie et l’usure se firent sentir à son retour. Le 6 octobre 877 dans une vallée des Alpes, à Avrieux, au soir d’un règne actif et très souvent glorieux, s’éteint le dernier grand empereur carolingien.

Difficultés pour l’historien de conclure à propos du règne de Charles le Chauve. Difficultés accrues par le traitement politique et militaire de la vie. Il a su trouver des réponses aux problèmes créés par les circonstances. En outre, harles est le fondateur d’un système institutionnel qui a survécus jusqu’au XVIIIe s, voir au-delà. Enfin, il a créé un sentiment d’unité par son action politique qui a fait du royaume de l’Est un ensemble politique à part, faisant naître un sentiment d’appartenance. Il a fondé ainsi le royaume de France. Bases d’un société, d’une culture qui ont marqué l’avenir.

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