Ulysses Saloff-Coste

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Régner et gouverner : la figure royale à l’époque carolingienne (complet)

mercredi 26 avril 2006, par Ulysses Saloff-Coste


La mobilité permet aux échanges de s’adapter aux routes disponibles. Quand les centres de consommation se déplacent, l’échange évolue. Le marchand grec de 550 et le viking plus pirate que marchand, il n’y a une différence d’univers. Le commerce est modifié. On passe d’un commerce à long rayon, à une économie rurale caractérisée par l’autarcie.

N’imaginons pas pour autant une société carolingienne refermée sur elle-même. Il y a une spécialisation sur le plan économique et géographique. La spécialisation marque l’histoire du continent. La marine est mise de côté par l’enracinement carolingien au cœur des terres. Il y a le groupe aristocratique qui suit le roi.

REGNER ET GOUVERNER : LA FIGURE ROYALE A L’EPOQUE CAROLINGIENNE

Pendant un temps, le roi est présenté comme impuissant face à sa société. Charlemagne serait inutile ayant atteint un âge trop avancé. Mais en 813, Charlemagne maîtrise les institutions.

La civilisation romaine et celle germaine sont rassemblées. La royauté a une mauvaise image. A Rome, la royauté date de Tarquin le Superbe. En étant renversé, les rois romains ne sont ps appréciés.

Auguste a la sage idée de ne pas prendre de titulature royale. Pour le christianisme, selon Jean, 18, 36 : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Même si Saint Paul insiste sur le respect des autorités en place. Rm, 13. Pourtant, le christianisme prend en compte la tradition juive. L’ancien testament transmet des institutions royales.

Le roi de Juda. Les exégètes bibliques ont tenté de construire une théorie politique à partir des textes de l’Ancien testament. Les anciens rois ne sont présentés que par les textes latins. Ce que nous est transmis, a été filtré par les Romains et Gallo-Romains.

Comment la figure royale se construit-elle ?

I/ la loi et le sacré

A/ La loi

Pépin le Bref fait réviser la loi salique. C’est la loi fondatrice du royaume des Francs. Elle est rédigée à la fin du règne de Clovis. C’est Clovis qui promulgue la loi salique. Elle est révisée en 763 - 764. Charlemagne la modifie pendant son règne.

La loi salique d’origine contient 65 titres. A la fin du règne de Charlemagne, on passe de 65 à 100 titres. Les lois des différents peuples saxons, frisons sont rédigées. Charlemagne fait rédiger des lois qui leur sont destinées. Les capitulaires permettent de mettre au point la législation. Pour le capitulaire de 803, il complète la loi des Bavarois ou encore des « Francs ripuaires » qui habitent sur les rives du Rhin.

Charlemagne se préoccupe de la mise à jour du droit. C’est vrai pour la période qui suit le contrôle de l’Empire en 800. Pendant un synode de 802 à Aix la Chapelle, selon les annales de Lorsch. Il rassemble les ducs, comtes et des experts en droit. Il fait lire les lois du royaume. La loi corrigée est écrite pour que les juges puissent s’y référer. Des experts ou techniciens sont formés. L’acte écrit est plus précis. L’efficacité est améliorée pour l’administration.

Les rois carolingiens utilisent les capitulaires pour réformer. Mais, le roi n’est pas le seul à légiférer. Aux temps carolingiens, la loi terrestre, royale ou impériale se concentre sur une loi divine appliquée pour l’espace terrestre. Le roi consulte une partie de la société pour promulguer.

Il y a le « consilium », conseil. A l’origine, les Francs ont la capacité de modifier la coutume. Les Mérovingiens héritent de ces possibilités de modifier la loi. Les modifications ont lieu pendant les départs de l’armée. L’armée est constitué d’hommes libres réunis par les Grands et commandée par le roi. Le roi peut consulter les Grands. Mais, l’assemblée carolingienne n’est pas comparable aux assemblées améliorées par la suite.

« Faire la loi » est le « verbum regis », ou verbe du roi. La loi nécessite l’adhésion des évêques et des Grands. Les Grands ne peuvent pas se passer du roi. Mais, le roi ne dépend pas des Grands.

B/ Le roi et la justice

1/ Théorie et pratique

La justice est une fonction royale au moyen âge. C’est même la raison d’être de la fonction royale. Dieu est le juge suprême. Le roi tient son pouvoir de Dieu. La société médiévale s’organise sur un système de délégation.

Isidore de Séville vivant au VIe s. présente la fonction du roi dans ses « Etymologies » : « Le mot roi vient d’une action menée selon le droit ». Rendre la justice, c’est dire le droit. Si le roi rend une mauvaise justice, il perd sa fonction royale.

Les évêques réunis pendant le concile de 829 réadaptent la citation d’Isidore. Le porte plume est l’évêque Jonas d’Orléans. « En effet, s’il régit de manière pieuse, juste et miséricordieuse, il mérite d’être appelé roi. S’il lui manque ces qualités, ce n’est pas un roi mais un tyran ».

2/ Evolution chronologique

La « malus » est la session du tribunal comtal, aux origines. Le comte est le représentant du roi. A l’origine, le comte est assisté d’hommes désignés : les « Rachimbourgs ».

A côté de la justice comtale, il y a la justice rendue par les « immunistes ». Ce sont souvent des ecclésiastiques. Ils remplissent l’ensemble des fonctions régaliennes.

Pendant les temps carolingiens, il y a des réformes. Les « Rachimbourgs » sont remplacés par les échevins. Il y a la procédure d’enquête qui apparaît. Quel est l’intérêt ? Les Rachimbourgs sont au service du comte. Ils ne sont pas indépendants dans leur décision. Les échevins sont des hommes libres, choisis par les « missi ».

Plusieurs sessions du « malus » sont présidées par les « missi dominici ». Les hommes libres peuvent faire appel au tribunal du palais. Ce tribunal est rapidement débordé. Il y a des liens entre la fonction judiciaires et l’onction du sacre reçue par le roi. Le lien est établi dans la promesse du sacre de Louis le Bègue. Il y a un lien entre le sacre - la justice. Mais, la justice royale a des limites. Smaragde, abbé de Saint Michiel en Lorraine, recommande à Louis le Pieux d’être juste, surtout envers les pauvres.

C/ L’Eglise, le roi et la société

C’est un sujet central de l’histoire du haut moyen âge. Le politique est fondamental. Le roi n’est pas qu’un simple spectateur du jeu social. Le roi participe à la vie de l’Eglise. L’Eglise ne se détache pas de la vie politique.

1/ L’Eglise au service du roi

Alcuin est au service de Charlemagne. Hincmar pour Charles le Chauve. A cause de la baisse du niveau d’instruction des laïcs, les carolingiens sont aidés par les clercs. Les clercs conservent Saint Martin. Les clercs de la chapelle ont à rédiger les actes.

Pour la fonction de chancelier, on a : chez les Anglais - finances ; Teutons - premier ministre ; Francs - justice. A partir de 808, on parle de chancelier. En 820, on parle d’archichancelier. Les « missi dominici » comptent un évêque ou un abbé dans leur rang. L’Eglise est clairement au service du roi.

2/ Le roi contre l’Eglise ?

Les monarques carolingiens utilisent les rouages ecclésiastiques et les ressources de l’Eglise pour leur profit. Il y a l’emprise exercée sur les nominations par les pépinides. Les évêques sont fidélisés. Leur serment s’approche d’une serment de fidélité. Les clercs sont transformés en mécanismes de l’administration. Les évêques conservent un rôle politique essentiel.

Charles Martel est parmi les premiers à contrôler les terres de l’Eglise. Les terres détenues par les ecclésiastiques auraient une origine publique du point de vue de « princeps ». Donc, le « princeps » peut les reprendre dans sa main et nommer les dirigeants des terres reprises. On trouve ainsi Saint Denis comme monastère contrôlé par la royauté.

L’Eglise doit à la fonction royale : la défense militaire qui permet de contrôler une relative paix. L’évangélisation est possible. L’Eglise peut se réformer grâce à la fonction royale. Boniface est fâché de la situation ecclésiastique dans l’Empire. Le pouvoir pépinide et carolingien permet de réformer l’Eglise. @

3/ Un sacré roi

II/ Le roi, la violence et la guerre

A/ Violence et politique

1/Violence

« Admonitio generalis ». 876, Charles le Chauve face à Louis le Germanique.

2/ Légitimité de la violence

Verser le sang est une faute morale. Cela peut mettre en péril le salut de son auteur. Quel est le statut de la violence ? Qu’est-ce que la guerre juste ? Girard. Raban Maur (847-656) rappelle aux Grands que lorsqu’ils obéissent à un ordre qui va faire couler le sang chrétien, le péché n’est expiable que par le biais de la pénitence. Georges Dumézil parle des “péchés du guerrier”. Bataille de Fontenoy en 841 laisse des marques. La violence royale est contraire à l’essence royale même.

B/ Le roi guerrier

Idéologiquement, le roi guerrier pose problème. La Bible est pleine de rois victorieux. C’est de la Bible que les rois du Haut moyen âge tirent l’habitude d’être des guerriers. Les empereurs romains du bas Empire sont presque tous des militaires. Les armées n’élisent pas les généraux qui font massacrer leur armée.

Histoire de la famille carolingienne. Pour l’ascension des Capétiens, les Vikings ont facilité la génération de troubles. Charlemagne est à la tête de ses armées. La victoire permet de réunir des butins. Des terres sont prises et offertes aux fidèles. La victoire a un autre sens.

C/ Vainqueur et justicier

La victoire du monarque chrétien a une autre valeur. Quand le roi remporte une victoire face aux païens, il ouvre de nouveaux territoires à convertir. Il y a par exemple la Saxe. Le roi guerrier peut être associé à son épée. L’épée du roi est chargée d’un autre symbole. L’épée, symbole du pouvoir de contrainte, est aussi un signe de la fonction judiciaire du roi. Les comtes en charge de la fonction judiciaire dans les « pagi » (pagus) de l’Empire.

III/ Embellir et distribuer

Le roi du moyen âge ressemble aux modernes hommes politiques, à moins qu’ils n’aient que repris les attributions des rois médiévaux.

A/ Pacifier

Le roi doit garantir la paix aux pauvres, veuves, orphelins. Les clercs ne portent pas d’armes. Le maintien de la paix publique est une prérogative royale. Le premier office du roi, premier « ministerium » du roi, selon le concile de Paris - 829, est de faire régner la paix dans le royaume.

En 833, l’un des arguments utilisés par les adversaires de Louis le Pieux, est que c’est un « perturbator pacis ». Hincmar écrit de tout. Il revient dans un de ses traités, sur l’obligation du roi de maintenir la paix.

B/ Nourrir et protéger

Nourrir et protéger les « inermes », sans armes. Le concile de Paris de 829 le rappelle. Jonas d’Orléans, dans le miroir du prince à l’attention de Pépin d’Aquitain. Dans son “métier du roi”, le roi doit défendre les pauvres. La fonction de roi protecteur, nourricier, se retrouve dans d’autres témoignages. Elle rejoint des fonctions plus anciennes.

Dans les sociétés nordiques qui ont de nombreuses similitudes avec les sociétés germaniques. Le roi est tenu pour responsable de la fertilité des terres. Aethelbreth/Northumbrie. Alcuin évoque les rois qui doivent protéger les prêtres. « La conduite vertueuse du roi est la prospérité de la nation entière ». L’abondance de la terre, une heureuse descendance de fils, la santé de la masse de peur. Dans le panégyrique en forme de poème, Ermold félicite l’empereur de “nourrir” son Empire.

Il y a la moralisation des échanges. A partir du règne de Charlemagne, la spéculation pendant les mauvaises récoltes est condamnée. Charlemagne fixe le prix des mesures. Charlemagne réforme aussi les poids et mesures. Charles ordonne que les céréales soient mis en vente à un prix inférieur à celui du marché.

C/ Embellir

Il y a l’idée que le roi doit faire étalage de ses richesses. C’est une influence orientale. Le roi, pour se montrer, doit être couvert de bijoux. C’est l’équivalent d’un maradjah. Le roi œuvre ainsi pour la grandeur de son peuple.

Charles a la réputation d’être un fin connaisseur en matière artistique. Dans une lettre, l’abbé Loup de Ferrières (abbaye en [Gatinée ?]) 841-842, lui demande quelles sont les pierres qui ont été taillées.

Conclusion

La vision du roi a évolué depuis les années 1980. Il est difficile de tenter une synthèse. La royauté carolingienne ne permet pas de connaître entièrement la société de l’époque. On n’en apprend plus sur le rapport à dieu, la guerre contrôlée, canalisée. Derrière la fertilité associée au roi, le pouvoir politique doit prendre soin du peuple. L’idée est un peu perdue de vue.

La figure royale est centrale dans les sociétés du haut moyen âge. Le haut moyen âge sans Etat n’est qu’une légende. En savoir plus sur les rapports entre puissants et dominés.

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