Ulysses Saloff-Coste

Accueil du site > 04. History > Licence d’Histoire > Institut Catholique de Paris L1 > Le roi de France et son royaume > La société féodale

La société féodale

vendredi 3 décembre 2004, par Ulysses Saloff-Coste


Dieu a distribué aux hommes trois tâches spécifiques. Il y a les oratores, les bellatores, les laboratores. Les intellectuels appartiennent à l’Eglise ; ils sont au sommet de la hiérarchie. Le maintien de l’odre et de la paix permet d’exploiter la population et de la soumettre. La militirisation de la société est traduite par la multiplication des alliances, des serments de fidélité.

A. L’ordre féodal

  1. A l’origine : pendant l’époque mérovingienne, les Grands s’entourent de guerriers privés. A l’époque de l’Empire romain, les patriciens sont protégés en échange de nourriture et d’entretien.
    • Les antrustions sont des guerriers d’élite. La vassus ou vassalus se met au service de quelqu’un, grâce à la recommandation ou comendatio . Le vassal est sous la protection ou la mainbour d’un seigneur, dominus.
    • Le contrat conclu entre le vassal et le seigneur est dit synallagmatique ; l’engagement est réciproque.
    • Les membres au service du seigneur font partie de la famille ou familia. Ce sont les domestiques, personnes vivant dans la maison ou domus.
    • L’armée est composée de fantassins au VIIIe. Plus tard, la cavalerie se développe. Son armement est de plus en plus lourd et coûteux. Mais comme chaque vassal reçoit une portion de terre, les mérovingiens se sont trouvés appauvris. C’est pourquoi, ils s’emparent des biens de l’Eglise. Sous la plume des clercs, Charles Martel est un spoliateur.
    • Les vassaux se multiplient. Le système s’emboîte. Le roi l’encourage. Lors de la mort d’un des vassi dominici, le fils devrait devenir à son tour vassal et hériter des terres.
    • En 877, Charles le Chauve prescrit que les bénéfices doivent revenir qux fils des morts. Les honneurs deviennent héréditaires. Cette hérédité va donner lieu à des principautés territoriales car, les domaines restent aux mains de familles vassales.
  2. Le lien vassalique : l’homme ou homo, par le hominium ou homagium, crée un lien de service auprès de quelqu’un. "Je suis votre homme." Les étapes de l’homagium :
    • Le vassal est agenouillé, les mains jointes (prière moderne, alors que dans le passé, on prie les mains levées).
    • Le seigneur place ses mains par dessus celles du vassal : c’est le mélange des mains ou immixtio manuum. Il est pris sous la protection de son seigneur. Le vassal prononce le volo : "Je le veux". Le seigneur relève son vassal. Ils échangent le baiser de paix (passé dans la messe) ; ils se "donnent la paix".
    • Le vassal doit prêter le serment de fidélité. Il porte sa main sur la Bible ou sur une relique. Il s’engage devant Dieu ; on parle de sacramentum, serment ou sacrement.
    • L’hommage est porté à la résidence du seigneur. On va chez le seigneur, on ne le convoque pas. Mais, pour certains vassaux, comme le duc de Normandie, c’est un hommage en marche. Les seigneurs vont aux frontières de leurs domaines.
    • Les obligations du seigneur sont de ne pas causer de dommages physiques, de ne pas nuire aux biens ou aux possessions.
    • La concession d’un bien au vassal est appelé chasement ou casamentum à la place de beneficium. En "étant casé", le vassal obtient les moyens de s’établir. Le mot germanique latinisé : feodum (d’où fief) remplace le bénéfice et le chasement.
    • Les obligations du vassal sont le conseil ou consilium et l’auxilium. Les vassaux participent à la justice. Il doit aussi par l’auxilium assister son seigneur. Quand c’est une expédition importante, on parle d’ost ou hostis. Si c’est plus court, on parle de calvacada ou chevauchée. Il y a aussi le stage ou stagium. Pendant 40 jours, le vassal défend le territoire.
    • Le vassal fournit une aide financière dans le cas des rançons, d’adoubement, de mariage de la fille du seigneur ou de croisade.
    • Le seigneur doit protéger son fidèle. Si le vassal parjure, il est puni. Son fief peut être saisi ou connaître une commise (Jean Sans Terre). Mais, le vassal peut être libéré de sa fidélité, si le seigneur est félon ou excommunié. Un vassal puissant peut lancer un défi à son seigneur (plus tard, on jette son gant). Si un des seigneurs du vassal va en guerre, le vassal doit distinguer ses hommages. L’hommage-lige (opposé du plain) permet de favoriser l’hommage le plus ancien.
  3. Le fief est devenu héréditaire. Le droit de relief permet de "relever" le fief qui "git". L’héritier dépense l’équivalent d’un année de revenu ; il a quarante jours pour prêter hommage.
    • Si le fils est mineur (moins de quinze ans), le fief est confié à sa mère ou à l’oncle. Le ballistre garde le fief.
    • La fille du défunt peut en hériter, à la différence de la couronne. La seigneur s’attribue un droit de regard sur le mariage de cette héritière à un de ses vassaux. Ainsi, Louis VI marie son fils à Aliénor d’Aquitaine.
    • Des vassaux font aumone de leur fief à une abbaye. La taxe de main-morte est alors payée, car leurs propriétaires ne peuvent se battre.
    • A la suite de la première croisade de 1095, certains vassaux meurent ou des emprunts ne peuvent être remplis. LE fief sert alors de richesse. Le seigneur touche 1/5 du prix de rachat par la famille du défunt.
    • Le tonlieu est une taxe indirecte sur les foires et les marchés, célèbres en Champagne.
    • Le fief de bourse permet d’acheter des vassaux à des fuins diplomatiques. Quand le seigneur met fin à ses finances, il n’est pas nécessaire de récupérer la terre, puisque le financement est en argent liquide.
    • Pendant l’investiture, le seigneur remet à son vassal son sceptre ou son baton de commandement, pour signifier sa participation au pouvoir. Ainsi, une motte de terre, une branche ou un étendard sont les signes que le vassal est "vêtu" du fief.
    • Même si le roi est au sommet de la pyramide des hommages, des territoires, comme la Normandie, sont bien tenus par leur duc. La Champagne accueille des foires internationales. Le comte de Champagne compte 2000 vassaux.

B. Noblesse et chevalerie

  1. Les nobles : la noblesse sénatoriale s’unit à la haute aristocratie franc, car la première possède le titre, mais plus la puissance. Etre noble consiste à être nait pour être détenteur de la puissance publique.
  2. Les chevaliers : à l’origine, ils forment la garnison du chateau. Il faut différencier ceux qui protègent de ceux qui dirigent.
    • Des chevaliers viennent de la paysannerie aisée. Ils ont pu acquérir un cheval et s’entrainer. Ils sont le privilège d’être dans l’entourage du seigneur. Comme ce sont des techniciens des armes, ils sont consultés au moment des guerres. Les familles nobles vont s’affaiblir, provoquant le morcellement des héritages au XIIe s.
    • Le chevalier incarne le protecteur de la foi et de la justice. Le devoir de protéger est transmis des chatelains aux chevaliers. L’adoubement marque la remise de l’épée et de la fonction publique de protection.
    • A partir du XIIIe s, on parle de sir ou de messir. La chevalerie va se fondre avec la noblesse par alliances matrimoniales. Au XIVe s, on parle de gentil-hommes ou noble homme. Le tournoi a contribué à rapprocher deux milieux inégaux.

C. Le lignage

  • Georges Duby explique que la conception horizontale de la famille s’est renversé. Au XIIe s, l’un des thèmes iconographiques est l’arbre de Jessé , père de David . On transmet le chateau ou le titre de mâle en mâle. Les chatelains sont opposés aux vilains, habitants des villages.
  • L’ onomastique évolue : on porte le nom de sa maison. Des noms germaniques se répandent : Bernard signifie l’ours fort, Thierry ou Theodoric - de theodo, peuple et ric puissant, Robert : gloire illustre, Hugues : intelligent. Pour les comtes de Verdun, les aînés s’appellent Godefroy et les cadets Adalbéron. Mais au XIe s, l’Eglise insiste sur le patronage des saints.
  • Il va falloir se démarquer : Guillaume le Roux, Henri Beau Clair, Robert le Fort ou Plantagenet (le genet, la plante, sur son chapeau).

D. Le chateau

  • Le chateau à motte : on peut le rapprocher aux camps de l’armée romaine. Il est entouré par un fossé. Le donjon est l’élément le plus fort. Au rez-de-chaussé, il y a le sélier. On conserve le garde-manger sur pattes, car la conservation de la viande est difficile. Il n’y a pas de porte mais une échelle ("tirer l’échelle"). La cuisine est un batiment annexe, car on veut éviter les incendies. Pour construire une motte de 30 m de diamètre et de 15 m de haut, il faut trois semaines pour une centaine de travailleurs. La maçonnerie se développe à partir du XIe s. La forme circulaire ou polyganale se développe parce qu’elle permet une mailleure résistance aux projectiles.
  • Les chateaux sont plus complexes. Le chateau de Coucy du XIIIe s mesure 50 m de haut. Il intègre une chapelle et une basse-cour. Des corniches ou corbeaux en bois sont construites au sommet des tours pour lacher des projectiles.
  • En terre-sainte, la crac des chevaliers montrent le besoin de lourdes constructions pour contrebalancer le faible nombre de défenseurs. Le chateau est prévu pour résister à cinq ans de siège (viande séchée, bassin d’eau, moulin dans une tour). Mais, ce chateau a été pris par la ruse.
  • En Syrie actuelle, les bossages forment des reliefs entre les pierres, ce qui augmente encore la résistance aux projectiles. Des galeries ouvertes offrent l’opportunité de lacher des projectiles aux ennemis.
  • Le chateau héberge un petit potentat et acquière un rôle dans le développement des nouvelles agglomérations (faubourgs, en dehors des murailles, par la suite). Les fêtes et les réceptions du chateau favorisent la création de commerces.

Répondre à cet article


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette