Ulysses Saloff-Coste

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La situation des affranchis à Rome sous Néron

mardi 7 décembre 2004, par Ulysses Saloff-Coste


En 56, un débat a lieu sur le sort des [Af.] ingrats envers leur ancien maître ou patronus. Les arguments renvoient à la place des Af. dans la socité romaine. [Extrait des Annales de Tacite ; XIII, 26-27]

A. Un débat sensible

  1. Rome, une société d’ordres et de statuts juridiques : les individus sont définis par leur statut particulier : l’homme libre (dont font partie les ingénus, ceux qui sont nés libres, citoyens romains ou non, et les affranchis) et l’esclave.
    • Toute personne est jugée à travers son statut et non par son mérite, ses revenus ou par sa place dans la société.
    • L’Af. est défini par son passé. Jusqu’à sa mort, il porte la macule servile. Il ne peut ni caché, ni rejeté son passé. L’Af. acquière le statut de son ancien maître : il devient citoyen romain, si son patron est citoyen romain.
  2. Le mépris envers les Af. est répandu. Des auteurs emploient le vocabulaire désignant l’esclave : servus. Les Af. ne juissent pas de la plénitude des droits d’un statut. Les magistratures leur sont interdites. Dans l’extrait, les Af. ne sont pas consultés : ils ne peuvent être acteurs du débat.
  1. Le devoir des affranchis envers leur patron :
    • L’Af. doit la pietas - respect, loyauté, affection evers son patron pour son affranchissement.
    • Cette pietas doit se concrétiser par l’obsequium. L’Af. ne peut attaquer son patron en justice, ni témoigner contre lui. L’inverse n’est pas vrai.
    • Les operae - œuvres - consistent en des dons ou services à rendre gratuitement. Si l’Af. est médecin, il doit le soigner gratuitement.
    • Les bona - les biens, le patrimoine - de l’Af. décédé sont transmis en partie au patron, sauf si l’Af. a eu trois enfants. En plus, ce droit se transmet aux fils du patron.

B.La raison l’emporte

  1. L’indulgence par réalisme : les arguments des partisans de l’indulgence sont plus réfléchis et nombreux. Ce camp rappelle le poids et la place des Af. dans la société.
    • Lors de sacrifices, les prêtres sont assistés par des Af. pour "tenir le couteau". Les magistrats (questeur, édile, tribun) sont entourés d’Af. On compte aussi des viatores, messagers, des huissiers, conseillers, licteurs (porteurs des faisceaux), des cohortes de vigiles (corps de pompier). Dans les décuries dont les membres sont tirés au hasard comme juge, deux sont réservées aux citoyens possédant un capital de 200 mille sesterces où l’on trouve des Af.
    • Des Af. deviennent sénateurs et chevaliers à partir du règne de Claude . Pallas, dit a rationibus, est devenu richissime. Son frère est chevalier et gouverneur de Judée. En 62, un ancien Af. devient préfet de l’annone en tant que chevalier.
  2. Le respect de la tradition : le débat a lieu dans l’entourage de Néron et non pas dans le Sénat. Le dernier argument des partisans est la tradition. Si les choses sont ainsi, elles sont forcément bonnes. Pour une fois, ce n’est pas faux. Sous la République , le patron peut présenter son esclave au censeur ; il est affranchi par le cens. Comme le délai de recensement est de 18 mois, le maître a le temps de réfléchir à son engagement. Pour les partisans, cet engagement doit être réfléchi.

Notes

[Af.] affranchis

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